Les anges de Rio
Alors que chaque jour Rio développait davantage ses tentacules constitués de
maisons marron, de toitures rouges, de volets turquoise, les enfants du bidonville
avaient aménagé une scène de théâtre à ciel ouvert. Là, ils donnaient libre cours à leur
imagination : ils jouaient des saynètes, chantaient à tue-tête, s’exerçaient à la danse.
tous les dimanches à seize heures pile, ces artistes en herbe offraient une
représentation qu’ils avaient rodée pendant la semaine.
(fin dictée cadets)
Sur ce sol où chèvres et moutons s’étaient succédé, l’art avait désormais pris ses
quartiers. Certes, ce n’était pas un repaire de talents. Quand Pablo se risquait à
interpréter une chanson en américain – langue dont il n’avait nuls rudiments –, on
n’entendait qu’un galimatias confus, un charabia absurde où surnageaient, distincts, çà
et là, les mots qu’il prenait pour du brésilien. Si Jairo fredonnait, on souffrait aussi le
martyre tant il produisait de sons faux : quoique la ligne mélodique s’avérât juste,
chacune des notes qu’il émettait sonnait un ou deux commas plus bas que celle de ses
camarades, ce qui donnait l’impression d’un bourdon au sein du chœur.
(fin dictée
juniors)
Quoi qu’il en soit, leur chef, Pamela, quinze ans, avait su tirer parti de tous ces
défauts et transformait les prestations ratées en numéros burlesques.
– Je veux bien qu’on rie, mais pas de vous, réitérait-elle à loisir, dressée debout
sur l’estrade en ruine.
au fil des triomphes, tout le monde voulait faire partie de cette troupe hors pair.
Certes, Pamela incorpora le plus de candidats possible. mais arrivée à quatre-vingts
garçons et quatre-vingt-dix filles qu’elle avait accepté d’accueillir, elle avoua ne pouvoir
prendre la population tout entière.
Géhenne devenue paradis, la favela exultait quelle que fût la production
dominicale. Ces jeunes thaumaturges régalaient de leurs chants montant vers le ciel le
public carioca qui, ne fût-ce que le temps de la représentation, faisait fi des décombres
dispersés, du chaos des ordures et des immondices pourries. Répétant pour eux et pour
l’azur, les enfants se baptisèrent « La compagnie verticale ».
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